Je l’ai surprise dans un moment d’une captive attention, elle l’a gardée, elle ne m’a même pas remarquée, elle me connaissait à peine, elle ne voulait pas être dérangée et moi, je ne voulais pas la déranger dans un de ces moments de patience infinie qu’ont les enfants quand ils se retrouvent seuls avec le monde qu’ils se construisent dans l’instant…
Je ne lui a
pas montré la photo : à l’époque, ce n’était pas possible, il fallait
attendre le long processus du bain et des traitements chimiques.
Depuis elle
a grandi et j’ai renié mon bel argentique.
Il lui est
arrivé un jour de me suivre lors d’une visite chez sa grand-mère, dans ces
lieux collectifs que l’on appelle homes et qui ont tellement de mal à
ressembler à de vraies maisons.
Il y avait
là un beau jardin et des arbres à foison, une espèce de chapelle qu’elle a escaladée
armée de sa corde à danser bien peu pratique dans cet endroit. Cette fois, ça
l’amusait de me suivre et de me précéder, ravie de pouvoir être prise en photo
à n’importe quel moment… Peu lui importait de voir les photos, seul lui
importait cette promenade unique que nous faisions ensemble loin des tristes
regards de la vieillesse…Aujourd’hui, grand-mère est morte et nous ne voyons
plus, chacun a repris le cours de sa vie, ce fut un moment convergent à
l’époque d’une aïeule commune … je garde en mémoire le sourire de la fillette
et quelques photos qui me parlent encore d’elle … son beau prénom évoque à la
fois les entremets sucrés et sa capacité d’être aimée …